mercredi 4 mars 2009

Le sol martien riche en soufre?

La surabondance des sols martiens en sulfate, associée à une absence de calcaires qui contrastent avec les surfaces terrestres, est une des énigmes de la planète rouge. En se basant sur l'estimation de la composition des basaltes martiens, des chercheurs de l'Institut des Sciences de la Terre d'Orléans (INSU-CNRS-Université d'Orléans) montrent que la teneur en soufre des gaz volcaniques de Mars devait être 10 à 50 supérieure à celle de leurs équivalents terrestres (revue EPSL sous presse). Ces gaz riches en sulfite ont d� acidifier les eaux de surface et très vraisemblablement limiter, voire, empêcher la formation de carbonate sédimentaire sur la planète rouge.


Comprendre les événements qui ont façonné la surface de Mars est l'enjeu de recherche de plusieurs groupes de scientifiques dans le monde. Au-delà de la compréhension de la formation et de l'évolution des planètes, ces travaux sont cruciaux pour définir les futures missions spatiales qui permettront un jour les premiers pas de l'homme sur Mars, et peut-être dans un futur lointain la rendront habitable (Terraformer 1).

Les données rapportées par les robots des missions (OMEGA/Mars Express) scrutant le sol Martien ont mis en évidence des surfaces extrêmement riches en soufre ainsi que la surprenante absence de carbonates sédimentaires. Le sol martien est constitué de roches basaltiques meubles comprenant 5 à 50 % en poids de minéraux sulfatés magnésiens et ferrifères. Ceci tranche avec la surface de notre planète Terre, et l'absence de carbonate suggère que les eaux qui ont ruisselé sur Mars étaient très corrosives et fortement chargées en acide sulfurique (H2SO4). Pourquoi le sulfate domine-t-il la chimie du sol martien alors que le carbonate domine sur Terre ?

Fabrice Gaillard et Bruno Scaillet abordent cette énigme de l'origine de l'enrichissement exceptionnel des sols martiens en soufre en partant de la compréhension actuelle des processus de formation et de différenciation des planètes du système solaire (2), et en appliquant les lois physico-chimiques qui contrôlent le comportement des gaz dans les magmas terrestres.. Ils arrivent ainsi à la conclusion que les volcans martiens ont très probablement émis des laves et des gaz différents de leurs équivalents terrestres ce qui a d'avoir des conséquences importantes sur la chimie des enveloppes superficielles (atmosphère-hydrosphère) des deux planètes telluriques et, par voie de conséquence, sur les conditions d'apparition et/ou de maintien de la vie au cours des temps géologiques sur ces deux astres.

Le volcanisme martien est aujourd'hui éteint, mais de grands appareils volcaniques sont visibles dans la province de Tharsis. Le plus connu d'entre eux, le Mont Olympe, atteint 27 km d'altitude, dépassant largement les reliefs volcaniques terrestres actuels. Les analyses des sols réalisées in situ par les robots, ainsi que celles des météorites martiennes présentes dans nos collections, indiquent que les basaltes martiens sont très riches en fer, environ deux fois plus riches que leurs équivalents terrestres. Les auteurs montrent que ceci implique inévitablement que les basaltes Martiens sont 3 à 7 fois plus riches en soufre que les basaltes terrestres : ainsi, les basaltes typiques des rides médio-océaniques contiennent 0,1-à 0,15 % en poids de soufre, alors que les basaltes martiens en contenaient presque 1%.

.Une autre différence majeure concerne les conditions de dégazage aux évents volcaniques. Sur Terre, 80 % du volcanisme est produit au fond des océans à des pressions de 100 à 500 fois supérieures à la pression atmosphérique au sol impliquant qu'une grande partie des gaz magmatiques en général et du soufre en particulier reste dissoute dans la lave. Sur Mars, l'essentiel du volcanisme de la province de Tharsis a été libéré dans une atmosphère ténue, à des pressions probablement très inférieures à la pression de l'atmosphère terrestre au sol. Les auteurs montrent que, de ce fait, le volcanisme martien a libéré des gaz en moyenne de 10 à 50 fois plus riches en soufre que les gaz volcaniques terrestres. De plus, les basaltes des fonds océaniques émettent le soufre sous la forme S2 et hydrogène sulfuré, H2S, alors que les gaz volcaniques martiens, en raison de la très basse pression de dégazage, ont émis du soufre sous la forme S2 et sulfite, SO2. En comparaison, les gaz volcaniques terrestres sont dominés par le CO2 et l'eau, les espèces soufrées représentant en moyenne ~1 à 5%, voire moins. A partir de ces données, et en accord avec les observations et analyses du sol Martien les plus récentes, Fabrice Gaillard et Bruno Scaillet estiment que la quantité de soufre émis par les volcans martiens de la région de Tharsis a pu former un dépôt de sulfate recouvrant de façon uniforme la surface de la planète sur une épaisseur de 10 à 60 mètres !.





Ces résultats suggèrent que l'atmosphère martienne pendant cette activité volcanique était également riche en soufre sous les formes S2 et SO2. Une conséquence importante de forte teneur en SO2 dans l'atmosphère martienne est l'acidification des eaux. Les eaux martiennes ont d' être fortement chargée en acide sulfurique ce qui aurait alors eu pour effet d'empêcher la précipitation des carbonates et la formation de calcaires sédimentaires qui, au contraire, dominent la surface de la Terre. Par ailleurs, le SO2 est reconnu pour son effet de serre important et pourrait alors avoir joué un rôle sur Mars similaire à celui du CO2 dans l'atmosphère terrestre. Alors que plusieurs travaux ont montré que le CO2 émis par les volcans ne permettait pas de maintenir des conditions suffisamment chaudes pour stabiliser l'eau liquide sur Mars, les auteurs suggèrent que le SO2 aurait pu jouer ce rôle pendant la période d'activité volcanique.
Source
Fabrice Gaillard & Bruno Scaillet, « The sulfur content of volcanic gases on Mars », Earth and Planetary Science Letters. Ces travaux ont été financés par le programme de planétologie de l'INSU (PNP) en 2007.
Note(s)
    1-Terraformer Mars signifie la rendre habitable par les terriens (J. Lovelock, Les ages de Gaza, Ed. Odile Jacob, p. 305).
    2-Les planètes telluriques sont différenciées en noyau (métallique) et manteau (silicate). Les proportions métal_silicate varient d'une planète à l'autre ce qui présente des effets importants sur les teneurs en soufre du manteau et des laves qui en sont extraites lors du volcanisme.
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