vendredi 12 décembre 2008

Le bilan 2006 des captures accidentelles de baleines

En Manche, en Atlantique et en Méditerranée, la capture accidentelle de mammifère marins, au sein des filets ou des chaluts des professionnels de la pêche, représente une réelle problématique, à la fois, pour la préservation durable des espèces protégées et la pérennité de l'activité des pêcheries (bar, thon...).

D'après le rapport national de la France, pour l'année 2006 (1), on estime le nombre total de captures accidentelles à 87 individus pour le dauphin commun (Delphinus delphis) pour la flotte pélagique en bœuf (type de chalut) pour la période de juillet à septembre 2006. Pour le même gréement, ce nombre est estimé à 57,05 dauphins communs pour la pêcherie au thon (pour la période de juillet à octobre 2006). Une autre espèce, est aussi concernée par les captures accidentelles : le marsouin commun (Phocoena phocoena), espèce plus côtière, qui vraisemblablement, serait davantage capturée au niveau des filets calés.



Marsouin commun

Les solutions

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Depuis 2004, plusieurs projets européens ont vu le jour pour limiter le nombre de captures accidentelles de mammifères marins, diminuer la perte quantitative au niveau des prises et réduire la détérioration des engins de pêche. Deux types de solutions apparaissent, l'une portant sur la modification des engins de pêche et la seconde sur l'éloignement des cétacés par des méthodes acoustiques.

Modification des engins de pêche.

Des trappes d'échappement ont été ainsi testées au niveau des filets, mais ce procédé apparemment s'avère peu efficace. Les scientifiques du programme « Life-Linda », en méditerranée, travaillent depuis 2004, avec les pêcheurs de la Réserve des Bouches de Bonifaccio pour effectuer un suivi des détériorations, sur des filets calés expérimentaux et réalisent, en parallèle, une étude sur la production. Il est très difficile d'intervenir sur les engins de pêche directement, car ils doivent pouvoir conserver leur sélectivité par rapport aux espèces cibles.

La mise au point d'un système répulsif acoustique

Différents projets tels que « EPROMM », “ ADEPTS “ (Acoustic deterents to eliminate predation in trammels nets) ou encore le volet « Cétacés »du projet européen “NECESSETY”, contribuent à la mise au point d'un système répulsif acoustique pour éloigner les cétacés de l'entrée des chaluts.

● Principe du système répulsif acoustique

Les cétacés disposent d'une sensibilité acoustique qui varie suivant l'espèce considérée. Le grand dauphin (Tursiops truncatus) et le dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba) ont une sensibilité auditive maximale pour des signaux acoustiques de 60 kHz (Commitee on Potential Impacts of Ambiant Noise in the Ocean on Marine Mammals, 2003). Celle du marsouin commun, est d'environ de 40 kHz. Ces 3 espèces restent sensibles à des gammes de fréquences situées entre 20 et 120 kHz .


Groupe de deux individus Grands Dauphins
Dauphin bleu et blanc à la surface de l'eau

Des comportements de gêne apparaissent au delà de certains seuils d'intensité. Ce sont ces seuils qui sont sollicités lors de l'utilisation de répulsifs acoustiques. Le seuil qui occasionne une gêne efficace mais non dangereuse pour le grand dauphin, est, de 150 dB. Pour le marsouin commun, il est de 130 dB (Verboom ; Taylor et al., 1997). La valeur que l'on peut retenir, sans distinction d'espèce, avoisine les 160 dB (NMFS, National Marine Fisheries Service) .

Au delà de ces valeurs d'intensité, on peut définir d'autres seuils pour lesquels les cétacés sont bien moins tolérants. Le TTS (Temporary Threshold Shifts) est le seuil de perte temporaire de l'audition. Il se situerait, pour l'ensemble des cétacés, entre 165 dB et 200dB, en fonction de l'espèce considérée (Verboom). Il existe aussi un seuil pour lequel, on a une perte définitive de l'audition : le PTS (Permanent Threshold Shifts, évalué entre 180 et 220 dB (Verboom), comme l'explique le tableau ci-dessous.

Les signaux de gêne potentielle sont compris entre entre 150 et 180 dB. Au delà, on voit apparaître une perte temporaire de l'audition (TTS entre 165 et 200 dB), voire définitive (PTS entre 180 et 220 dB).

● Principaux tests réalisés et résultats obtenus

Plusieurs prototypes de répulsifs ont été testés, d'abord en cage flottante puis en mer ouverte. Certains tests ont pu être réalisés en Manche sur des grands dauphins solitaires mais n'ont rien donné de concluant. Des campagnes expérimentales ont été également menées sur le marsouin ou bien encore sur des populations sauvages de dauphins communs sur le chalutage pélagique en Irlande ou aux îles Glénan (travaux d'Ifremer, du CRMM, sur le projet NECESSITY). Des distances de réactions ont pu ainsi être déterminées pour divers modèles de DDD (Dolphins Dissuasive Devices). L'efficacité du système répulsif acoustique est fondée sur l'observation du changement de comportement. Chez le dauphins commun, les comportements observés sont assez variables d'un groupe à l'autre et ne sont pas identiques d'une année sur l'autre. On observe même des différences de comportement selon la localisation géographique des populations. Néanmoins, un autre répulsif acoustique nommé « Cétasaver_7 », testé lors d'une étude pilote, lors du projet « Procet 2 » a permis de diminuer de moitié le nombre de traits avec des captures accidentelles et de diminuer de 80% le nombre de dauphins capturés.

Actuellement, le Laboratoire d'études des mammifères marins d'Oceanopolis, Ifremer et la Parc Naturel Marin d'Iroise mènent conjointement, une étude pilote, en Mer d'Iroise, sur l'efficacité durable des répulsifs acoustiques et le problème de la création de zones d'exclusion sur les habitats des différentes espèces présentes de mammifères marins (dont le marsouin commun...).

● Les limites d'un tel système lors de l'utilisation d' un système de répulsif acoustique, on peut observer des phénomènes d'habituation* aux signaux pour certaines espèces comme le dauphin bleu et blanc et le grand dauphin voir des phénomènes de déprédation**, observé chez certaines espèces de phocidés. Dans ce cas, l'animal associe le signal sonore émis à la nourriture et au navire. Le phénomène d'habituation pourrait peut-être être évité par la mise en place d'un système interactif (doté d'un système d'écoute) qui ne déclencherait un signal sonore qu'en présence du cétacé.

La formation de zones d'exclusion des cétacés sur leurs habitats naturels pourrait être aussi un autre inconvénient du système, et compromettre la conservation des espèces et de leurs milieux de vie naturels.

*L'habituation chez un animal peut être définie, comme étant une absence de changement de comportement ou l'apparition d'un nouveau comportement, qui va à l'encontre de l'évitement d'un élément extérieur, reconnu de façon instinctive, comme une menace ou un danger (ex : prédateur). **La déprédation est un comportement alimentaire qui consiste, pour l'animal, à prélever directement sa nourriture au contact de structures humaines, ici les engins de pêche. C'est un comportement acquis, qui se propage à travers les groupes sociaux, et qui, une fois établi, est impossible à supprimer.

UN GRAND MERCI A ESTELLE POILVERT POUR AVOIR REDIGE AVEC SA MINUTIE SCIENTIFIQUE CET ARTICLE ENRICHISSANT.

Article écrit avec l'aide de certains documents fournis : ● Monsieur Sami HASSANI, responsable du service Mammifères Marins et Oiseaux de Mer,Laboratoire d'études des mammifères marins, OCEANOPOLIS, Brest. ● Monsieur Yvon MORIZUR, IFREMER, Brest. ● Monsieur Philippe LE NILIOT, chargé de mission, Parc Naturel Marin d'Iroise et Agence des Aires Marines Protégées, Brest.


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source:faunetude



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