lundi 1 décembre 2008

Extinction du dauphins Irrawaddy


Le dauphin Irrawaddy du Mékong (photo étant sous la propriété et le copyright de la WWF)
Il est devenu l’emblème de la région. Mais pour combien de temps encore ? Dans la province de Kratie, le dauphin du Mékong attire toutes les attentions. De son vrai nom dauphin Irrawaddy - inspiré de la rivière Irrawaddy à Myanmar (Birmanie), ce cétacé est répertorié depuis 2004 sur la liste rouge de la World Conservation Union (IUCN) en tant qu’espèce en danger critique d’extinction.
A Kratie, il ne resterait qu’une dizaine de spécimens. Installé sur place, Richard Zanre est manager du programme d’eau douce de la WWF (World Wide Fund for Nature) qui travaille depuis 2005 sur le cas des dauphins du Mékong. Il dresse l’inventaire des horreurs qu’ont subi les cétacés pour en arriver là : « Par le passé, ces animaux étaient victimes de la chasse délibérée pour la nourriture et l’huile. Ils étaient aussi pris pour cible d’entraînement par les soldats et victimes de prises accidentelles dans des filets. » Présents également dans la province de Stung Treng, à la frontière entre le Laos et le Cambodge, les dauphins Irrawaddy ont vu leur nombre considérablement diminué au cours des dernières décennies. « L’expertise de la WWF au Cambodge a donné en 2007 une population oscillant entre 66 et 86 spécimens » affirme Richard Zanre.


Protégé depuis 2006
Cette espèce de dauphin, l’ « orcaella brevirostris », caractérisée par une tête ronde, une couleur claire et une petite nageoire dorsale, n’est pas unique au Cambodge. Les dauphins Irrawaddy, qui ressemblent à s’y méprendre aux belugas, sont répartis dans les eaux tropicales et subtropicales de l’Asie. Pouvant mesurer jusqu’à 2,50 mètres à l’âge adulte, ils vivent aussi bien en mer qu’en rivière. On en dénombre aussi en Inde, au Bangladesh, en Thaïlande, au Viêt-Nam aux Philippines, à Myanmar, en Malaisie ou en Indonésie. « Bien que l’espèce semble s’étendre largement à travers l’Asie, sa répartition est discontinue, estime pourtant le manager de la WWF. La plupart de ces dauphins vivent en petites populations isolées, dans des endroits précis. » En 2004, on comptabilisait environ un millier d’individus sur l’ensemble des zones d’habitat.
Au Cambodge, l’Irrawaddy se meurt. Pourtant, « le gouvernement voudrait le conserver » selon Richard Zanre. En plus de tenir une place importante dans la biodiversité cambodgienne, il est vrai que ces dauphins ont aussi un rôle touristique non négligeable pour la région. Nombreux sont les Cambodgiens à venir de tout le pays pour voir ces cétacés. « Il y a un réel intérêt de la population pour ces dauphins, confirme l’expert de la WWF. Il y a d’ailleurs des références culturelles au dauphin du Mékong dans la mythologie locale. Aujourd’hui, la population khmère ne tue plus ces animaux intentionnellement. » Surtout depuis que l’espèce est protégée au Cambodge, avec le vote de la loi sur la pêche en 2006. Un léger répit pour le cétacé, pas encore suffisant toutefois. « Les morts accidentelles dans les filets de pêche surviennent encore » regrette Richard Zanre. La WWF évoque aussi d’autres causes de mortalité soupçonnées, telles que « la maladie, la pollution, les dérangements humains et la pêche intensive. » Le dauphin Irrawady est donc loin d’être sorti d’affaire.

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Le problème de la natalité
Dans la province de Kratie, la mission de la WWF consiste à conserver le dauphin du Mékong et son habitat en travaillant avec le gouvernement et les communautés locales. Cette lourde tâche passe aussi bien par la recherche scientifique et la conservation que par l’éducation des populations. Pas toujours facile de susciter une prise de conscience lorsque la pêche est le principal moyen des habitants pour subvenir à leur besoin. Richard Zanre en convient :

« Ces dernières années, des pêcheurs locaux sont devenus mécontents de la présence des dauphins dans leur zone. Il faut dire que le gouvernement a mis en vigueur une interdiction sévère de pêche au filet, mais sans fournir d’autre mode de compensation. Or, c’est seulement dans la localité de Kampi que la population locale tire profit du tourisme lié aux dauphins. » La WWF cherche donc à améliorer les ressources des villageois tout en trouvant des alternatives afin de réduire la pression de la pêche sur l’habitat des dauphins.
Ce travail de longue haleine voit, hélas, son efficacité remise en question par une problématique de taille. Le taux de natalité des dauphins Irrawaddy, estimé à un bébé par femelle tous les deux à trois ans, va en déclinant. Pour ne rien arranger, rares sont les petits qui survivent une fois dans l’eau. Pour le moment, les scientifiques peinent à trouver les raisons de ce phénomène inquiétant. On comprend mieux alors la réserve de Richard Zanre au moment d’évoquer le futur de l’Irrawaddy:« Pour le moment, il est difficile d’envisager l’avenir de ces dauphins. Toutefois, si nous arrivions à identifier la cause de mortalité des petits et à trouver une solution, alors l’espèce aurait de bonnes chances de survie. » Le temps presse si l’on ne veut pas que le dauphin du Mékong connaisse le destin funeste de son cousin, le dauphin de Chine, dont l’extinction définitive a été constatée en 2007.
Pierre Olivier Burdin (LePetitJournal.com Cambodge)


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