mardi 8 juillet 2008

Le retour de la chauve-souris géante

Observée récemment dans les hauts de l'Est, une population de roussettes étonne la communauté scientifique. Et pour cause, cette espèce frugivore indigène avait complètement disparu de la Réunion. Selon des experts, ces chauves-souris géantes viendraient de Maurice.

Sa grande taille - environ un mètre d’envergure - lui a valu le surnom de "Flying fox" (renard volant) par les Américains. Présentes sous différentes formes et espèces dans toutes les îles de l’océan Indien, les roussettes avaient disparu de la Réunion dans le courant du XIXe siècle (lire par ailleurs). Les seuls individus observables jusqu’alors sont au... Muséum d’histoire naturelle de Saint-Denis (ou au zoo, depuis 1998, avec un couple vivant, offert par l’île sœur). Une histoire à conjuguer au passé depuis juin 2007, la date, semble-t-il, de la première observation officielle de roussettes sur un site des hauts de l’Est par un habitant un brin... décontenancé. Ce dernier prévient les pompiers de la commune. Aussitôt, cette information se répand comme une traînée de poudre dans le microcosme des naturalistes péi. Mais dans un but évident de protection, ces derniers jouent la discrétion. Raison pour laquelle la localisation exacte n’a pas été dévoilée. Depuis, les observations sur le terrain se sont succédé, notamment en décembre dernier par la BNOI (Brigade nature de l’océan Indien), accompagnée de Sarah Caceres, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qui aura pour tâche de trouver les réponses aux questions que tout le monde se pose. "On ne peut rien affirmer sur leur nombre, la première visite n’ayant pas permis de préciser exactement leur population. Une fois un protocole scientifique mis en place, d’autres observations auront pour mission de définir à la fois l’espèce, leur origine et la population", précise-t-elle.

Un second site évoqué

Plusieurs sources concordantes font état d’un groupe originel d’au moins six individus, qui aurait grossi à une dizaine de spécimens depuis. Un comptage aléatoire, mais qui confirmerait une reproduction de la chauve-souris. Un second site d’observation proche du premier a d’ailleurs été évoqué. Un nombre - à confirmer - qui n’assure pas pour autant automatiquement sa survie. La disparition d’un ou deux individus pouvant remettre en cause l’existence du groupe tout entier. Et les menaces ne manquent pas : braconnage, une tempête ou un cyclone (les roussettes vivent accrochées aux branches et non dans des cavernes). De quelle espèce s’agit-il ? Si des analyses ADN devraient bientôt trancher, certains affirment d’ores et déjà avoir reconnu la roussette noire (pteropus niger), endémique des Mascareignes, mais seulement présente à Maurice. L’une des deux roussettes historiques de La Réunion. Une thèse qu’auraient confirmée des spécialistes de l’île soeur à l’aide de clichés pris sur place (voir en illustration). Pour les naturalistes, la réintroduction est à marquer d’une pierre blanche. "C’est une chance unique de pouvoir assister en direct à une telle introduction, comme cela s’était déroulée il y a des siècles, bien avant l’arrivée de l’homme. Et si elles restent assez longtemps, nous pourrions assister à la naissance d’une nouvelle espèce endémique", commente Alain Brondeau, du service d’appui à l’aménagement et au développement durable au Parc national. Mais pour d’autres, les roussettes restent d’abord des prédateurs de vergers. Raison pour laquelle Maurice a autorisé leur chasse (lire par ailleurs). Plusieurs éléments doivent cependant nous rassurer : après plus d’un an de présence avérée, aucune autre observation par des particuliers n’a été relevée. La preuve que le mammifère continue de trouver sa nourriture (abondante) dans le milieu naturel. Nos vergers peuvent respirer pour encore longtemps. Les agriculteurs aussi. Le risque "d’invasion" est également à proscrire : les femelles ne donnent naissance qu’à seul petit par saison. Leur réintroduction est une découverte exceptionnelle. Une réintroduction fragile... la magie de la nature

200 ans après avoir disparu, la roussette retrouve la forêt réunionnaise

Au premier étage du muséum d'histoire naturelle dans le Jardin de l'État à Saint-Denis, dans la vitrine des espèces disparues, une roussette noire déploie ses ailes au-dessus d'un ibis, le Solitaire de la Réunion, confondu jusqu'en 1995 avec le dodo de Maurice.

Elle fait partie des collections du muséum depuis le XIXe siècle, date à laquelle la dernière espèce de roussette présente dans notre île a été officiellement exterminée. D’ici quelques années, si les roussettes noires réussissent à faire souche, celle de la vitrine du muséum devra être sortie des espèces disparues. D’ores et déjà, c’est un exemple rarissime de retour dans un milieu naturel d’une espèce indigène totalement éradiquée. L’arrivée des roussettes noires en provenance de l’île Maurice, vraisemblablement apportées par des vents cycloniques, reproduit, à échelle réduite, la manière dont notre île a été progressivement colonisée par les plantes et les animaux avant l’arrivée de l’homme.

De grandes voyageuses

Les scientifiques s’attendaient à ce que ce phénomène se produise un jour. C’est la raison pour laquelle la roussette noire est restée sur la liste des espèces protégées (lire par ailleurs). Avant la découverte de l’année dernière, les faits leur ont donné une première fois raison. Le 11 février 2002, une roussette noire venant de Maurice avait été trouvée à Tan-Rouge. Très affaiblie, elle n’a pas survécu. Elle est aujourd’hui conservée naturalisée au muséum d’histoire naturelle.

D’où venaient les chauves-souris qui ont peuplé la Réunion ? "Si la plupart des espèces de Pteropus habitent la partie orientale de l’océan Indien et les terres situées plus à l’est jusque dans les îles du Pacifique occidental, certaines ont colonisé des îles de l’ouest de l’océan Indien.

On les rencontre en particulier aux Mascareignes, aux Seychelles, à Madagascar, aux Comores, ainsi que sur les deux îles tanzaniennes de Mafia et de Pemba. Aucune ne semble n’avoir jamais été plus loin, c’est-à-dire sur le continent africain", explique François Moutou du laboratoire central de recherches vétérinaires de Maison-Alfort, un des spécialistes des chauves-souris.

Lorsque l’homme pose pour la première fois le pied sur une plage de notre île, il ne le sait pas encore mais un autre mammifère, la chauve-souris, l’a devancé. L’île abrite cinq espèces, dont deux de roussettes (lire l’encadré). "Les roussettes ont attiré l’attention des voyageurs très tôt, confirme François Moutou. Thomas Herbet venu à Maurice vers 1627 parle de chauves-souris grosses comme des vautours.

Il existe même une description de la roussette de Maurice qui date de 1605. La description des deux espèces communes à la Réunion et à Maurice est attribuée à Geoffroy Saint-Hilaire en 1810 par Dobsen qui décrit lui-même l’espèce de Rodrigues."

La roussette noire (Pteropus niger), celle-là même que l’on vient de retrouver dans l’Est et la rougette ou collet rouge (Pteropus subniger) peuplaient en grand nombre les forêts réunionnaises et mauriciennes au XIXe siècle. "La roussette noire est certainement une des plus anciennes connues et décrites par les naturalistes, indique François Moutou. Geoffroy Saint-Hilaire la décrit ainsi : le pelage est noir, la face et les flancs supérieurs sont roux, grandeur : 23 cm, envergure 98 cm."

La roussette noire aura plus de chance que la rougette. La première sera exterminée à La Réunion mais survivra à Maurice d’où elle nous revient aujourd’hui.

La seconde disparaîtra des deux îles. "Deux exemplaires existent à la galerie de zoologie du muséum d’histoire naturelle de Paris", indique François Moutou.

"Il semble que la rougette ait survécu plus longtemps que la roussette noire, avance le scientifique. En effet, Maillard en 1863 et Vinson en 1868 ne citent que la seule rougette à La Réunion qu’ils disent rare. Il est possible que la roussette noire se soit éteinte à la fin du XVIIIIe ou au début du XIXe alors que la rougette a pu disparaître durant la deuxième moitié du XIXe siècle." Que faire à présent ? Laisser la nature faire ce qu’elle a si bien commencé sur les hauteurs de l’Est. Laissons à la petite population de roussette noire une chance de reprendre pied dans une forêt réunionnaise qu’elle peuplait bien avant que l’homme n’ait seulement l’idée de débarquer à La Réunion. À l’heure où les Mauriciens ont lancé la chasse à la roussette noire, faisons en sorte que cette dernière n’aille pas rejoindre la rougette au panthéon des espèces disparues

Source:polo974.org

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

DINOTOXTRA