La réhabilitation : entre utopie et réalité
La question de la réintroduction d’espèces sauvages en milieu naturel est souvent sujet à polémiques d’ordre publique ou scientifique, voire les deux. La réussite ou l’échec de ces projets sont dépendantes de facteurs :
- socio-économiques notamment concernant le coût de la logistique de certains projets,
- biologiques : certaines espèces sont en effet plus « faciles à réhabiliter »
- éthologiques car au sein d’une même espèce, d’un même groupe, chaque individu diffère de son congénère par son potentiel génétique, cognitif, son histoire familiale..
- anthropologiques : l’environnement humain ne doit en effet jamais être négligé. L’exemple des Ours des Pyrénées et/ou du Loup dans le Mercantour le montre bien : les communautés locales doivent être consultées.
- ethnologiques : l’image même de la faune sauvage varie selon les cultures. Dans un pays où la domestication est phénomène courant, l’animal est presque chosifié et les espèces sauvages dans « l’imagerie collective » sont alors perçues comme dangereuses et devant vivre en captivité.
Exemples de cas de réhabilitation : les Cétacés impossibles à réintroduire en milieu naturel ?
Deux expériences à ce sujet se contredisent : parmi le sous-Ordre des Odontocètes, l’Orque (Orcinus orca) Keiko longtemps captive et réintroduite en milieu marin montre les limites d’un tel projet. En effet, en dépit d’un protocole et d’une préparation rigoureuse, l’animal a été d’une part dénaturé par la captivité et n’a pu rétablir de liens sociaux avec ses congénères, d’autre part, présentait des pathologies dû à sa captivité.
En revanche, en 1998, deux Dauphins (un mâle et une femelle) tachetés des Tropiques nés en milieu naturel, ont été transférés d’un delphinarium vers les îles Caïmans, par un binome de spécialistes de Mammifères marins.
Ils ont au préalablement été réhabitués à se nourrir de proies vivantes avant d’être suivis par les scientifiques. Notons que les deux individus étaient issus du même groupe d’origine et partageaient donc le même « alphabet sonore ». Les résultats se sont avérés positifs car au bout de plusieurs mois, les deux individus pistés et observés chassaient, élément indispensable pour leur autonomie, et avaient rejoint un groupe de Dauphins de l’île.
L’association de deux individus réintroduits en milieu naturel après des années de captivité est-elle plus garante de la réussite d’un tel projet ? Aurait-il fallu réhabiliter Keiko avec un congénère ?
Le cas du Lynx dans l’Est de la France
Rare depuis le XVII siècle, le Lynx a officiellement disparu du pays. Il est cependant présent dans les Vosges, grâce aux programmes de réintroduction et à l’extension des massifs du Jura et des Alpes français, suite aux opérations suisses de réintroduction dans les années 70. En dépit d’un travail d’information vers les populations locales la perception de cet animal reste variable suivant les catégories sociales : milieu ovin ou caprin.
Dans le Massif Vosgien
L’opération menée entre 1983 et 1985 s’est heurtée à deux obstacles, le premier lié à un défaut d’information aux autorités locales le second à un imprévu concernant la territorialité de deux lynx réintroduits. En effet, ceux-ci ont occupé un espace plus large que celui initialement prévu, là où l’information sur le relâché des animaux n’avaient pas été relayée. Un lynx fût d’ailleurs abattu par braconnage en 1984. Un an plus tard, à l’aide d’un suivi méthodologique, 6 individus, 4 mâles et 2 femelles sont réintroduits ; les animaux sont radiopistés, un chien est dressé pour rechercher les restes des proies, essentiellement des Chevreuils sur les 5000 ha fréquentés par le prédateur. Les résultats des analyses des données ont montré qu’en fait, le lynx se déplaçait sur 17 000 ha et qu’il chassait au maximum trois Chevreuils par mois.
Dans le Massif Jurassien
L’opération de réintroduction de cette région s’est soldée par un succés en Suisse. En dépit des attaques sur le cheptel qui ont augmenté, notamment d’Ongulés (Chamois, Chevreuil), l’opération a été plutôt bien accueillie. Ce problème a donné lieu à des mesures de protection telles que des tirs à partir des parcs attaqués, la mise en place de colliers toxiques autour du cou d’animaux domestiques et surtout des indemnisations pour les propriétaires préjudiciables.... 7 Lynx ont alors été éliminés.
En conclusion ...
Ces deux expériences, dans deux massifs différents montrent bien que la « structure d ’accueil » doit être suffisante et dans le cas du Lynx au minimum de 10 000 à 30 000 ha par individu. Par ailleurs , des études et suivis doivent être réalisés notamment sur l’influence en quantité et qualité de la prédation exercée sur le Chevreuil. Et surtout, les aspects sociologiques avec une concertation des parties concernées, voire le développement d’outils de communication, est un gage de réussite.
Source:faunetude
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